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Ashna Kitaruth : «L’éducation sexuelle est aujourd’hui cruciale pour la jeune génération»

Ashna Kitaruth

Jusqu’ici mixtes, les Académies pourraient changer de visage. Le ministère de l’Éducation propose de les transformer en 21 National Colleges séparant filles et garçons. Une réforme qui relance le débat sur la mixité scolaire et ses implications. Pour Ashna Kitaruth, enseignante de Sociologie, Social Studies et HOD of Social Science au Curepipe College, l’enjeu est plus large : l’éducation sexuelle demeure cruciale pour préparer la jeune génération aux réalités sociales contemporaines.

Comment faire pour que, dans la pratique, il n’y ait pas de problème avec la mixité ?
Les établissements d’enseignement mixte sont confrontés à un ensemble de défis d’ordre émotionnel, social et disciplinaire. Parmi les plus fréquents figurent les distractions sociales, l’intimidation, le harcèlement, les rivalités entre pairs, les conflits sentimentaux et l’anxiété. Les adolescents traversent une phase de construction identitaire, de changements hormonaux et de pression sociale, et ces réalités se répercutent souvent dans le milieu scolaire.

Le point de départ est la formation des éducateurs. Les enseignants gèrent des comportements adolescents complexes au quotidien, mais tous ne disposent pas des compétences nécessaires en matière de sensibilité au genre, de soutien émotionnel ou de gestion des conflits. Le développement professionnel continu est essentiel pour les aider à repérer les signes précoces et y répondre de manière constructive. Une équipe éducative bien formée crée une atmosphère plus juste, plus sûre et plus respectueuse pour les élèves.

Pourquoi les parents sont-ils décrits comme des partenaires clés ?
Ce dont nous avons besoin, c’est d’une culture collaborative entre la direction, les enseignants, les parents et les élèves. Lorsque les règles scolaires sont soutenues au sein du foyer, et lorsque les élèves se sentent responsables et écoutés, la discipline s’améliore et le respect s’ancre dans la vie scolaire. L’enseignement mixte ne fonctionne réellement que lorsque tous avancent dans la même direction.

Les parents sont des partenaires clés. De nombreux jeunes vivent de l’anxiété, une faible estime de soi, du stress lié aux relations ou à l’exposition numérique sans encadrement à la maison. Les écoles devraient organiser régulièrement des ateliers de sensibilisation sur la cybersécurité, la pression des pairs, la discipline scolaire et les relations adolescentes. Des parents informés sont mieux préparés à accompagner leurs enfants et à renforcer les comportements appropriés.

Les conflits amoureux et les distractions sociales sont souvent cités comme responsables de la baisse des performances scolaires. Nous pouvons atténuer cela en responsabilisant les élèves eux-mêmes. Les systèmes de mentorat par les pairs, tels que les conseils de préfets, les conseils d’élèves et les clubs de leadership, apprennent aux jeunes le respect, la négociation, l’empathie et la responsabilité. Ces structures dirigées par les élèves favorisent des relations sociales positives tout en réduisant la rivalité et la détresse émotionnelle. Lorsque les jeunes apprennent à se soutenir mutuellement, le climat scolaire s’améliore de manière significative.

Comment l’éducation sexuelle contribue-t-elle à réduire les conflits et le harcèlement entre élèves ?
L’éducation sexuelle est aujourd’hui cruciale pour la jeune génération, car les adolescents exploreront les relations, que nous les y préparions ou non. Nous devons leur fournir des informations précises, adaptées à leur âge, concernant le consentement, les changements corporels, le respect, le bien-être émotionnel, l’estime de soi, les limites et la prise de décision sécuritaire. Les écoles qui dispensent correctement des cours sur la sexualité et le bien-être socio-émotionnel constatent moins de conflits, moins de cas de harcèlement et des interactions saines entre pairs. Cela prépare les jeunes à construire des relations fondées sur le respect plutôt que sur la confusion ou la pression.

Les systèmes de surveillance et de discipline sont également indispensables. Les écoles ont besoin d’une supervision visible : rondes d’enseignants, permanences de discipline et même caméras de surveillance dans les espaces communs. Il ne s’agit pas de « policer » les élèves, mais de protéger leur dignité et leur sécurité. Lorsque les lieux sont surveillés et les règles claires, les comportements inappropriés diminuent et les élèves se sentent plus en sécurité.

Y a-t-il des exemples où la mixité ne pose pas de problème ?
Un système d’enseignement mixte efficace n’est possible que lorsque ses fondations sont solides : éducateurs formés, parents informés, élèves responsabilisés, environnements sécurisés et éducation fondée sur les valeurs

À Maurice, plusieurs établissements secondaires illustrent concrètement ces éléments. Le Mahatma Gandhi Institute, le MGSS, le RTSS, les écoles privées catholiques ou confessionnelles comme St Andrews, le Collège Adventiste, ainsi que des établissements payants bien établis comme Le Bocage, le Lycée La Bourdonnais et d’autres écoles privées dans le Nord et l’Ouest en sont de bons exemples.

Ces institutions partagent des caractéristiques communes : elles mettent l’accent sur la formation du caractère, la discipline et une culture académique compétitive, tout en maintenant un cadre éthique solide. Beaucoup disposent de clubs structurés et de programmes de leadership étudiant où filles et garçons collaborent sur des projets, des activités communautaires et des réussites extrascolaires.

Lorsque ces piliers sont en place, l’enseignement mixte devient un puissant modèle d’égalité des genres, de développement citoyen et de maturité émotionnelle. L’objectif dépasse la simple réussite scolaire, il s’agit de former des jeunes respectueux, responsables, capables de coexister, de communiquer et de contribuer positivement à la société.

La mixité en Grade 7 devrait être maintenue plutôt que supprimée en Grade 10 dans les écoles nationales. Nous devrions nous inspirer des exemples réussis d’établissements secondaires qui fonctionnent déjà comme écoles mixtes dès le Grade 7. Je félicite le Curepipe College pour sa décision d’ouvrir ses portes aux filles de Grade 7 dès 2026.

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