Le ministre Kaviraj Sukon a dressé, lundi, le bilan d’une année de réformes visant à démocratiser l’accès à l’université, tout en préservant le niveau académique, dans un pays qui ambitionne de devenir une référence régionale.
Maurice affiche ses ambitions. Alors que l’île a conservé sa première place en Afrique subsaharienne dans le classement Global Innovation Index 2025 et gagné deux places au niveau mondial pour atteindre la 53e position, le ministre de l’Enseignement supérieur, Kaviraj Sukon, a présenté, lundi, un bilan qui témoigne d’une stratégie claire : faire de Maurice un « Knowledge Hub » régional capable d’attirer les étudiants africains tout en retenant les talents locaux.
En matière d’innovation, Maurice occupe désormais la sixième position mondiale parmi les pays à revenu intermédiaire supérieur. Un succès que Kaviraj Sukon attribue notamment au travail du Mauritius Research Innovation Council. Pour concrétiser cette ambition, Maurice multiplie les partenariats de prestige. Des protocoles ont été signés avec la Quality Assurance Agency britannique pour faciliter l’implantation d’universités du Royaume-Uni sur le territoire. Plus récemment, la visite du président Emmanuel Macron a permis la signature d’un accord avec le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur français, ouvrant la voie aux établissements hexagonaux.
« Ces accords démontrent que nous travaillons activement pour amener l’excellence académique à Maurice avec notre politique active de développer notre Knowledge Hub », a expliqué le ministre. L’objectif affiché : « encourager les étudiants à bénéficier des universités de renom ici à Maurice au lieu d’aller à l’étranger et d’accueillir des étudiants venant de l’Afrique ».
L’Université de Maurice a d’ailleurs fait son entrée dans le classement Times Higher Education World University Rankings 2025, se positionnant à la 778e place dans la catégorie enseignement, sur 2 860 établissements répertoriés depuis 115 ans. « Nous ne sommes pas les premiers, nous avons encore du chemin à parcourir », a tempéré Kaviraj Sukon, soulignant néanmoins que ce classement « démontre notre potentiel à la qualité de l’enseignement ». Le secteur de la recherche mauricien peut également se targuer de compter deux professeurs – Nunkoo et Seetanah – dans le classement Elsevier-Stanford University 2025 des 2 % de scientifiques les plus cités au monde.
Un portail baptisé « Study in Mauritius » est en cours de finalisation. Cette plateforme agira comme un guichet unique permettant aux étudiants, mauriciens ou étrangers, de gérer leur inscription universitaire, leur demande de visa et leur logement, tout en offrant aux employeurs la possibilité de rechercher des stagiaires.
Démocratisation sans compromis sur la qualité
Mais cette quête d’excellence s’accompagne d’un impératif de démocratisation. « C’est la politique de ce gouvernement de faciliter l’accès aux étudiants aux institutions tertiaires », a rappelé le ministre, précisant que « l’objectif est de le faire sans baisser le niveau ».
Désormais, les étudiants peuvent intégrer l’université avec trois crédits et deux A-levels, une mesure qui met fin, selon Kaviraj Sukon, à « une injustice ». « Chaque étudiant a sa place dans nos universités publiques et cela se fait sur la base voulue », a-t-il affirmé. Les filières sélectives comme la médecine, le droit ou l’ingénierie continuent toutefois d’exiger d’excellents résultats.
Cette politique d’ouverture s’appuie sur un dispositif financier conséquent : plus de 51 000 étudiants ont bénéficié du programme de gratuité de l’enseignement supérieur, pour un coût de Rs 3,7 milliards. Quelque 35 000 d’entre eux étudient dans les établissements publics. « Les grandes études ne sont pas réservées aux élites uniquement », a martelé le ministre, affirmant que « l’enseignement supérieur est un pilier de notre économie ».
Adapter les formations aux réalités économiques
Cette ambition se heurte toutefois à un écueil persistant : le décalage entre formations universitaires et besoins des entreprises. Un problème que « des directeurs d’entreprises ont dénoncé pendant des années », selon le ministre. Pour y remédier, le ministère collabore désormais avec Business Mauritius afin de réviser les cursus académiques.
À partir de janvier, un projet pilote de micro-certifications sera lancé dans les universités. Ces « programmes d’études de courte durée qui visent à répondre aux besoins concrets du marché du travail » seront élaborés en collaboration avec le secteur privé. L’objectif est une mise en œuvre complète dans les établissements publics d’ici 2027.
Par ailleurs, 88 cours hybrides ont été développés dans diverses disciplines – arts, musique, langues, médecine, sciences, mathématiques, droit – dans le cadre de l’initiative Technology-Enabled Learning, menée avec le Commonwealth of Learning. Plus de 200 ressources éducatives sont également accessibles gratuitement via le National Open Educational Resources Repository.
Intelligence artificielle et biotechnologie
Dans un domaine en pleine évolution, Maurice entend jouer un rôle précurseur. Le ministre, qui confesse avoir été « contre l’intelligence artificielle » au départ, reconnaît aujourd’hui qu’il est « indéniable que ce sont des outils qui peuvent aider les étudiants, les chargés de cours et les chercheurs ». Des réglementations seront introduites début 2026 pour encadrer « d’une façon éthique » l’utilisation de l’IA dans l’enseignement supérieur. Maurice serait ainsi « le premier pays en Afrique à proposer ces règlements ».
L’ambition gouvernementale dépasse le cadre strictement académique. « Un des objectifs du ministère est de faire de la biotech un pilier de notre économie », a déclaré Kaviraj Sukon. Des discussions sont en cours concernant la thérapie CAR T-Cell contre le cancer, une approche révolutionnaire qui consiste à modifier les cellules immunitaires du patient pour détruire les cellules cancérigènes. Le Mauritius Institute of Biotechnology Limited explore avec le Biotechnology Industry Research Assistance Council indien la possibilité de former des oncologues mauriciens à cette technique de pointe.
Un laboratoire de biotechnologie a été inauguré cette année à l’Université de technologie de Maurice. Le Centre for Biomedical and Biomaterials Research, basé à l’Université de Maurice, « se fait remarquer au niveau mondial » pour ses recherches en agriculture et en médecine régénérative utilisant l’intelligence artificielle.
Le soutien à la recherche s’est également renforcé. Le ministre a souligné que « c’est la première fois de l’histoire qu'un Premier ministre commence un Budget par la recherche ». Le HEC Research Fund a reçu cette année 43 propositions, dont 28 projets ont été approuvés pour un montant de Rs 14,9 millions, dont Rs 4,6 millions déjà versées.
Dans le domaine spatial, Maurice s’apprête à lancer son deuxième satellite en collaboration avec l’Organisation indienne pour la recherche spatiale (ISRO). Des experts indiens se sont récemment rendus sur l’île pour discuter de l’avancement des travaux et de l’exploitation des données satellitaires.
Ces initiatives s’inscrivent dans une refonte globale du secteur. « Cette année n’a pas été facile », a reconnu Kaviraj Sukon, affirmant que « pendant les dix dernières années, le secteur du tertiaire a été relégué au second plan ». Un constat qui justifie l’ampleur des réformes engagées pour « redorer le blason de l’enseignement supérieur et de la recherche ».
Le Higher Education Summit, tenu en juin au Mahatma Gandhi Institute de Moka, a marqué un tournant. Pour la première fois, l’ensemble des acteurs – universités publiques et privées, chercheurs et partenaires – se sont réunis pour améliorer le système. Un plan stratégique national pour les dix prochaines années est en cours de finalisation en collaboration avec le Commonwealth of Learning.
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