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Reemesha Oodit : l’instinct et la ligne

Artiste aux multiples techniques, Reemesha Oodit combine peinture, résine et mandalas pour créer des œuvres vibrantes où maîtrise et intuition dialoguent avec la nature.

La lumière frappe les toiles avant de toucher le sol. Son atelier ressemble moins à un espace de travail qu’à une zone suspendue : une table recouverte de pigments, des pots de pinceaux classés par densité, des feuilles volantes où elle prend des notes — pas des idées, mais des pensées visuelles.

C’est là que Reemesha Oodit passe le plus clair de son temps, bercée par l’hymne de la nature : les murmures du vent, le frémissement des feuilles, le chant discret d’un oiseau… Elle peint avec le geste assuré, mesuré, précis. Depuis 15 ans, l’artiste construit une œuvre où la nature sert à la fois de décor, de matériau et de vocabulaire. Elle ne la décrit jamais comme un thème. Plutôt comme un lien.

Dans son travail, Reemesha circule entre plusieurs univers : réalisme, abstraction, mixed media, résine, art texturé. Cette pluralité, elle en a fait sa méthode : explorer, déplacer, tenter, revenir.

Un jour, alors qu’elle préparait une exposition, elle a superposé une couche d’acrylique à un collage textile improvisé. L’accident lui a plu. Elle en a fait une série. Ce type de bifurcation spontanée marque son parcours. Elle se méfie des systèmes trop rigides, des discours trop assurés, des esthétiques trop alignées. Elle préfère apprendre que prouver.

Cette liberté technique ne l’a pas empêchée d’exposer : d’abord localement, puis dans des galeries virtuelles internationales, une opportunité qu’elle a saisie avec curiosité et méthode. L’une de ses œuvres a remporté un premier prix national, une reconnaissance importante. Mais les honneurs n’ont jamais été son moteur. Ce qui la guide, c’est le besoin viscéral de créer, de donner forme à ce qui naît en elle.

Il y a, dans les mandalas qu’elle réalise à main levée, quelque chose de très personnel. Le geste est lent, répétitif, presque cérémonial. Elle ne trace pas un motif : elle installe un rythme. Les motifs se déploient sur des toiles, sur du bois, sur du papier, parfois sur des supports inattendus qu’elle choisit pour la texture, la résistance, la manière dont ils absorbent la couleur.

Dans ses œuvres figuratives, ce qui frappe, ce n’est pas la technicité – pourtant réelle – mais la façon dont elle saisit l’instant. L’ombre qui glisse sur un visage, une respiration qui affleure, une tension dans le regard.

Ses toiles abstraites, elles, fonctionnent différemment : elles interrogent, parfois déroutent. Elles demandent un temps d’arrêt. Explorent ce que la couleur peut pousser à ressentir.

Le détour par le textile et le management

Son parcours semble parfois raconter une vie parallèle. Études en Fashion Technology, puis un MBA en administration des affaires. Rien ne prédestinait cette trajectoire hybride à devenir un moteur artistique. Et pourtant.

Son passage par la mode lui a appris la construction du volume, l’exigence du détail et l’attention au geste. Le management lui a offert l’inverse : la distance, l’organisation, la capacité à prévoir. L’ensemble lui sert aujourd’hui de boîte à outils. Elle sait exactement combien de temps nécessite une série, comment structurer un projet, comment articuler intuition et méthode.

Dans un milieu où beaucoup improvisent, elle avance avec constance, presque avec stratégie. Jamais dans la précipitation.

Reemesha Oodit n’est pas du genre à théâtraliser son parcours. Elle avance à son rythme, loin des excès, loin des injonctions. Son ascension n’est pas spectaculaire, mais elle est continue. Une ligne lente, stable, presque souterraine. Son ambition n’est pas absente, mais elle est silencieuse. Elle se manifeste dans la rigueur du travail, dans la progression technique, dans son refus des compromis trop faciles.

Dans un monde saturé d’images, son œuvre impose un autre tempo : plus lent, plus attentif, plus ancré. Elle peint pour comprendre, parfois pour respirer, rarement pour convaincre. Reemesha Oodit ne cherche pas la lumière. Elle cherche ce qui la fait tenir.

Et c’est peut-être pour cela, finalement, que son œuvre s’impose dans le paysage artistique mauricien.

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