À l’occasion de la Journée internationale de lutte contre la corruption, observée le mardi 9 décembre, l’émission Au Cœur de l’Info s’est penchée sur l’état de la lutte anticorruption à Maurice. Sur le plateau, le journaliste Patrick Hilbert recevait Laura Jaymangal, directrice exécutive de Transparency Mauritius, Lalldeo Boodhoo, ancien Acting Assistant Director à la Financial Crimes Commission (FCC), et Étienne Sinatambou, ancien ministre et observateur politique. L’ancienne députée Nita Deerpalsing est intervenue par visioconférence.
Un constat s’est imposé : sans une véritable loi sur l’accès à l’information, une Freedom of Information Act, Maurice restera limité dans ce combat.
En 2024, Maurice obtient un score de 51/100 et se classe 56ᵉ au niveau mondial. Le pays se classe 5ᵉ en Afrique.
Pour Laura Jaymangal, le problème de fond reste l’absence de transparence systémique : « Nous avons des structures, des institutions, des mécanismes. Mais le pays ne parvient pas à réduire la grande corruption. Tout ce qui touche au blanchiment d’argent, à la fraude, à l’abus de pouvoir ou aux conflits d’intérêts reste très présent. »
Elle a insisté sur le fait que ces crimes sont désormais transnationaux. « Ce ne sont plus des crimes purement locaux. Ils impliquent plusieurs juridictions. Sans accès effectif à l’information, Maurice n’est pas toujours équipé pour les combattre efficacement », a-t-elle fait ressortir.
Laura Jaymangal estime qu’une Freedom of Information Act serait un tournant. « Une loi sur l’accès à l’information donnerait au public, aux médias et à la société civile la possibilité de voir, de comprendre et de demander des comptes. Elle rendrait la corruption plus difficile », a-t-elle ajouté.
Repeindre la façade
Revenant sur l’architecture institutionnelle, Lalldeo Boodhoo a mis en garde contre les réformes de surface. « On a commencé en 2002 avec la Prevention of Corruption Act. Ensuite, on a changé de structures, de noms. Changer de nom de l’organisme (ICAC et ensuite FCC) ne règle rien. On repeint la façade, mais sans transparence, le système ne devient pas plus efficace », a-t-il indiqué.
Il a aussi souligné la lenteur des affaires à aboutir. « Depuis la création de la FCC, il y a eu des centaines, voire des milliers d’enquêtes, mais très peu de condamnations. Les procédures prennent trop de temps. Quand une condamnation survient, l’argent est souvent déjà parti. Ce que le public attend, c’est que ce qui a été pris illégalement retourne à l’État, et rapidement », a-t-il avancé.
Selon Lalldeo Boodhoo, un meilleur accès à l’information faciliterait les enquêtes, accélérerait les procédures et renforcerait la confiance du public.
Pour Étienne Sinatambou, « être 56ᵉ sur 180 et 5ᵉ en Afrique n’est pas catastrophique, mais ce n’est pas satisfaisant pour un pays qui aspire à mieux en matière de gouvernance ». Il a souligné le lien entre culture du passe-droit et corruption : « Le citoyen mauricien a parfois l’impression de pouvoir obtenir un avantage, que ce soit à l’hôpital, à la banque ou au bureau de la sécurité sociale. Le passe-droit constitue une forme de corruption. »
La transparence serait, a soutenu l’observateur, un remède efficace. « Une Freedom of Information Act permettrait de vérifier les décisions, les critères et les nominations. Il deviendrait ainsi plus difficile de favoriser quelqu’un sans raison objective », a-t-il ajouté.
Trois axes prioritaires
Laura Jaymangal a expliqué que la lutte anticorruption repose sur trois axes, dont le premier est l’accès à l’information. « Il nous faut une loi sur l’accès à l’information, une réelle protection des lanceurs d’alerte et des règles claires sur le financement des partis politiques », a-t-elle souligné.
Le deuxième axe concerne la gouvernance responsable. Selon elle, la sensibilisation dans les écoles, les universités et la société reste indispensable, mais doit s’appuyer sur des institutions ouvertes et transparentes.
« On ne combat pas la corruption uniquement par des arrestations. Il s’agit de renforcer la démocratie. Une démocratie solide a besoin de transparence. Une Freedom of Information Act est devenue indispensable », a résumé la directrice exécutive de Transparency Mauritius.
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